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HÉLIKA.

« Ils tendirent des pièges aussitôt arrivés dans cet endroit. La journée du lendemain se passa à choisir les places les plus avantageuses, à parcourir la forêt et à dresser un camp. Attenousse à bonne heure le surlendemain s’était levé pour aller examiner leurs trappes. Il lui fallait pour cela, parcourir une grande distance et son compagnon qui n’avait pas sa vigueur, dormait encore lorsqu’il partit.

« Le couteau qu’il portait ordinairement, lui avait servi à dépecer à son déjeûner quelques pièces de venaison ; sur le manche était sa marque comme c’est l’habitude de tout sauvage de l’y ciseler, il oublia de le remettre dans sa gaine.

« Lorsqu’il revint vers cinq heures du soir, un désordre affreux existait dans la cabane. Une lutte désespérée et sanglante avait dû avoir lieu, car le sang avait jailli et on en voyait les traces toutes fraîches.

« Son malheureux compagnon, étendu par terre, râlait les derniers soupirs de l’agonie. Un couteau était enfoncé dans sa poitrine. Attenousse s’élança aussitôt, arracha l’arme de la blessure et vit avec stupeur que c’était le sien. Au moment où il le rejetait avec horreur, des éclats de rire se firent entendre, en se retournant, il aperçut la figure de l’odieux Paulo avec deux autres figures également patibulaires qui le contemplaient en poussant des ricanements d’enfer.

« Ils portaient eux aussi sur leurs habits et leurs figures des traces du sang de leur victime. Ils en avaient mêmes les mains rougies. Attenousse demeurait anéanti.

« Pendant ce temps, un des scélérats s’avança, saisit le couteau, le retourna en tous sens, le montra à ses deux associés et tous trois sortirent du camp en continuant leurs ricanements sataniques, proférant des paroles de menace et emportant avec eux l’arme fatale.

« Mais dans des natures fortes et énergiques comme était celle du mari d’Angeline, la réaction se fait vite.

« Il se mit à leur poursuite, après avoir suspendu toutefois le cadavre de son ami pour le mettre à l’abri des bêtes fauves en attendant que quelqu’un de la tribu vint le chercher pour le déposer dans le cimetière de la bourgade ; ce qui donna aux meurtriers le temps de mettre une bonne distance entre eux et lui.

« Grand fut l’émoi à la nouvelle qu’apporta Attenousse parmi ces bons sauvages, car la victime était très estimée par tout le monde. On assembla un conseil, et il y fut décidé qu’un parti de chasseurs irait immédiatement chercher le corps du malheureux, tan-