Page:Delâtre - L’Égypte en 1858.djvu/38

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 95 —

pelle leur condition, Elles sont prisonnières dans leur habillement comme dans une geôle portative. Pauvres femmes que le législateur oriental réduit à la condition d’animal domestique ; pauvres créatures, que l’on vend et achète comme des pièces de bétail ! Et cela pourquoi ? Évidemment par suite de la jalousie de l’homme. Un homme peut être facilement fidèle à sa femme ; une femme est difficilement fidèle à son mari. La nature l’a voulu ainsi. Pour forcer la nature, on a inventé les ceintures de chasteté et les harems. En Europe aussi la femme est esclave ; mais au moins chaque mari n’en a qu’une, qu’il peut rendre heureuse ; en Orient, chaque mari en a plusieurs, qu’il néglige et qu’il prétend garder pour lui tout seul. À cet effet, il les enferme dans une cage et les met sous la surveillance des eunuques. Au reste, les Musulmans sont assez conséquents, ils tiennent la femme en chartre privée ; mais du moins ils lui donnent une éducation en harmonie avec sa destinée sociale ; en Turquie on n’élève pas les femmes, on les dresse.

Les cafés sont au nombre des curiosités des villes orientales. On appelle café un bouge infect, garni extérieurement de quatre ou cinq bancs boiteux, sur lesquels s’accroupissent les consommateurs  ; ceux-ci sont ordinairement des marchands, des marins, des soldats habillés de bleu, de jaune, de rouge et armés de longues pipes. Un valet, les jambes nues, va et vient sans cesse apportant des tasses de café que l’on vide au fur et à mesure et qu’il remporte aussitôt. Les tasses ne sont pas plus grandes que des moitiés de coquilles d’œuf ; et le café est épais comme du chocolat, car on ne le passe pas et on boit l’infusion avec toute la poudre, ce qui fait à mon avis une boisson extrêmement agréable. Les Arabes qui garnissent les bancs offrent un spectacle des plus intéressants. Leur silence, leur immobilité ont quelque chose de fantastique : on ne croirait pas que ce sont là des êtres pensants. Voici donc, me disais-je, les habitants d’Alexandrie, de cette ville renommée pour sa