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Si l’Égypte possédait cinq ou six hommes comme Rifaat-Bey, la cause de la civilisation serait gagnée ; mais Rifaat est seul, ses confrères les ulémas le détestent et il ne sera pas remplacé.

La civilisation européenne fait peur à ces hébreux, à ces enfants des ténèbres et non sans raison.

La civilisation européenne est fondée sur la liberté d’examen, c’est-à-dire sur le même principe que la civilisation grecque, dont elle dérive. L’hellénisme, avec sa liberté illimitée de discussion, tend à développer toutes les facultés de l’homme et n’en entrave aucune.

La conscience des vices de notre civilisation me jette parfois dans un tel découragement, que je me prends à la maudire et à invoquer l’état sauvage. C’est sous cette influence que j’ai dicté les vers suivants :


LE BÉDOIN.

Bédoin, j’ai pour empire
L’espace illimité ;
À longs traits j’y respire
L’air de la liberté.

Mortels vains et serviles
Au langage disert,
Je préfère à vos villes
Le néant du désert.

Sous ma tente je brave
Vos préjugée, vos lois ;
J’insulte un vil esclave
Des honneurs, des emplois.

Le simoun sur nos têtes
Forme un divin concert :
Je préfère à vos fêtes
L’ouragan du désert.

Vos plaisirs sont des peines,
Vos banquets un poison,
Vos usages des chaînes,
Vos murs une prison.