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Elle resta près d’un quart d’heure observant le silence, qu’elle n’interrompit que pour réclamer des soins de son ami. Tantôt c’était pour supporter sa tête, une autre fois elle désira qu’il raffermît l’oreiller sur lequel elle s’appuyait pour se maintenir sur son séant, et enfin elle demanda à boire.

— Merci, lui dit-elle, je me sens mieux. Donne-moi ta main, Ernest, pose-la ici ; sens-tu comme mon cœur bat ?

En effet, la violence des pulsations était telle qu’Ernest n’osa en rien dire. Il baisa doucement la main de sa cousine, et elle comprit qu’il était effrayé, car les caresses des amants se modifient comme leurs pensées.

— Figure-toi, ajouta-t-elle, que quelquefois pendant la nuit, le bruit que fait mon cœur me réveille.

— Pauvre amie !

— Ne me plains pas trop, ce réveil a quelques douceurs. Oui, et cela t’étonne ? Oh ! si tu savais quand ce mal a commencé et tout ce qu’il me rappelle !

Elle lui serrait la main en prononçant ces mots.

— Pendant ton absence je n’en ressentais jamais les atteintes sans que tu ne devinsses en quelque sorte présent à mes yeux. Aussi mon mal, ce mal qui me tuera peut-être, je l’aime ! Toujours mes douleurs sont acompagnées de joie, et je crois que j’éprouverais du regret si je guérissais entièrement.

Ernest pressa Justine dans ses bras, et ils confondirent leurs larmes.

— Soyons sages, dit mademoiselle de Liron, qui se replaçait sur son oreiller en essuyant ses yeux ; nous oublions les ordonnances des médecins, et vous particulièrement, Ernest, à qui on en a confié l’exécution. Soyons sages, mon ami ; il me semble que nous touchions un point fort sérieux, car il ne faut pas perdre de vue le grand voyage que je vais peut-être faire, et les précautions que nous avons à prendre en nous quittant. Je t’ai dit des choses bizarres sur le mariage, mon Ernest ; mais, tu dois t’en souvenir, elles ne s’appliquaient qu’à moi seule. Le destin m’a jetée hors de la société ; et ce qui la remplace pour moi, c’est toi, toi qui as été