Page:Delécluze - Romans, contes et nouvelles, 1843.djvu/12

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la comédie, l’opéra, et il y assistait. Bien plus, il aimait les fêtes, les tournois et les ballets ; les ballets ! dans lesquels il a figuré et dansé quelquefois lui-même ! Quant aux romans, lui et sa cour ne se faisaient pas scrupule de lire encore l’Astrée ; et personne n’ignore la vogue extraordinaire dont jouirent à cette époque les monstrueux romans de Cléopâtre, d’Artamène et de Clélie.

Quelle espèce de cote mal taillée le grand roi ainsi que les gens de sa cour pouvaient-ils donc faire avec leurs directeurs, après des échappées de cette espèce ? C’est ce que je n’ai jamais pu imaginer ni comprendre ; et je révoquerais certainement en doute la simultanéité d’actions tellement disparates, si l’exemple de gens de nos jours, qui vont aussi le matin entendre prêcher et le soir à l’Opéra, ne m’assurait que cette tradition de la dévotion mondaine s’est purement conservée depuis Tartufe jusqu’à nos jours.

Toujours est-il que les ecclésiastiques ont continué à condamner les romans et les pièces de théâtre avec une ardeur égale à celle que les écrivains ont mis à en composer, et le public à les lire ; ce qui est cause que la question de fait n’a point avancé d’un pas.

« Vous éludez la question, s’écrie un censeur impatient ; on vous demande s’il est possible qu’un roman ne soit pas immoral et impie ? C’est à cela qu’il faut répondre ! »

Je ne prétends éviter aucune difficulté , et je rentre en plein dans mon sujet. Toutefois, je demanderai préalablement et avec la plus grande sincérité, quels sont les livres qui amènent le lecteur droit à un but moral ? J’excepte naturellement la Cyropédie de Xénophon, le Discours sur l’histoire universelle de Bossuet et le Télémaque de Fénélon, où l’on a fait converger volontairement les faits et les idées vers un but déterminé ; mais à part ces compositions utopiques, et si l’on prend les histoires grecque, romaine ; celles de France, d’Angleterre, d’Allemagne et d’Italie, je désirerais savoir si la dernière réflexion qui résume toutes les autres à la fin de la lecture, est morale ? si de la somme de tous les faits historiques d’où l’on désire toujours qu’il jaillisse une vérité qui nous éclaire, qui nous console et nous encourage, on recueille effectivement ce fruit précieux ? Hélas ! le dernier mot de toutes ces histoires fameuses est toujours : « que