Page:Delécluze - Romans, contes et nouvelles, 1843.djvu/160

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qui coupait court à toute réflexion et à toute réponse. Et quant à moi, je vous renouvelle les remercîments que je vous ai déjà adressés pour les soins que vous avez pris de nous faire assister au prêche. »

L’aubergiste fit un profond salut, et allait se retirer, lorsque l’abbé ajouta, pour remettre complètement l’hôtelier à sa place : « Vous aurez soin de tenir notre compte prêt ; car nous partons demain. » L’hôte salua de nouveau et sortit.

Le repas terminé et la table ayant été enlevée, les deux voyageurs, remis de leur surprise et de leur fatigue, sentirent enfin le besoin de se parler de la scène dont ils avaient été témoins au temple. « Eh bien ! monsieur de Beauvoir, dit l’abbé, malgré tout ce que vous avez sans doute éprouvé d’angoisses pénibles au milieu de cet enfer où nous avons été enfermés trois heures, je suis très-satisfait que vous l’ayez vu de près. Vous pouvez vous vanter à présent de mieux connaître la situation et les intérêts de la cour de Rome que ceux qui ne l’ont jamais quittée. Monsieur votre père désirait que je vous préparasse sur toutes les nouveautés que Rome pourrait présenter à un esprit droit comme est le vôtre, mais qui n’est point encore rompu aux affaires et au train du monde ; en vérité, je ne m’attendais guère à ce que le hasard nous servirait si bien.

— Il faut que ce soit vous, monsieur l’abbé, qui me félicitiez d’une pareille aubaine, pour que j’espère en tirer parti un jour ; car je dois vous l’avouer : en mettant de côté l’horreur et le dégoût que m’a inspirés ce faux prêtre furieux, à peine si j’ai compris ce qu’il a dit au sujet de Rome et du pape. Qu’est-ce que cette Olimpia Maldachini qu’il a si étrangement confondue avec la femme de l’Apocalypse ? Que prétend-il faire comprendre par ces rapprochements absurdes ? et comment un homme qui se donne pour prêtre ose-t-il rapporter des détails aussi scandaleux que ceux qu’il nous a complaisamment débités ? C’est horrible ; et l’impression qui m’en est restée dans l’esprit ne l’est pas moins. »

L’abbé, ne sachant que répondre, garda le silence. M. de Beauvoir se promenait dans la chambre devant le siége