Page:Delécluze - Romans, contes et nouvelles, 1843.djvu/182

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causaient son inquiétude ; et après avoir fait entrevoir à son mari que leur avenir était menacé par les entreprises audacieuses de sa mère, elle le pria instamment d’engager leurs beaux-frères, les princes Ludovisi et Justiniani, de venir leur apprendre comment les choses s’étaient passées, et pour se consulter sur l’issue probable de cette affaire.

Dom Camille expédia aussitôt un courrier à Rome, pour inviter ses parents à se rendre le lendemain à sa nouvelle villa, où ils le trouveraient ainsi que sa femme. Cet ordre donné, la princesse remercia affectueusement son mari, et témoigna bientôt après le désir de se mettre au lit pour calmer l’agitation qu’elle avait éprouvée pendant le cours de la journée.

Camille était au fond du cœur si étranger aux intérêts de l’ambition et de la politique, que toutes les nominations de cardinaux, sans en excepter celle de Maldachini, seraient passées inaperçues par lui, si l’élévation aussi inattendue qu’extraordinaire du neveu de dona Olimpia n’eût pas été cause d’une altération au repos et à la tranquillité de la princesse de Rossano. Lorsqu’il jugea que sa femme devait avoir été mise au lit, il se rendit chez elle pour s’informer de son état et lui souhaiter la bonne nuit. Il la trouva calme en apparence, lui fit plusieurs questions tendres sur la disposition où elle se trouvait, et se proposait de se retirer, lorsque la princesse, le retenant doucement par le bras, lui demanda avec un sourire qui ne dissimulait pas entièrement une préoccupation grave :

« Combien avez-vous de chevaux dans vos écuries, mon cher Camille ? — Vingt-quatre, ma chère. — L’attelage blanc que vous avez acheté pour moi est-il en état de servir ? — Oui ; désirez-vous le faire atteler demain pour nous rendre à la villa ? — Oh ! non, ce serait attirer par trop les yeux sur nous. Il faut que des exilés, et elle appuya sur ce mot, soient modestes. — Nous ferons tout ce que vous voudrez, ma chère amie ; mais en ce moment ne prenez d’autre soin que celui de vous calmer. — Oh ! je ne suis pas en colère, fit observer la princesse, en affectant d’adoucir le son de sa voix ; vous voyez que je pense à faire une promenade avec vos jolis