Page:Delécluze - Romans, contes et nouvelles, 1843.djvu/188

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vauriens se sont avisés de faire une barrette en papier rouge et de l’en coiffer. Cette échauffourée, connue on peut croire, a mis tout le séminaire en rumeur, et malgré les précautions du supérieur, le bruit s’en est répandu dans la ville et est venu jusqu’aux oreilles de dona Olimpia. — Et qu’a-t-elle fait ? demanda la princesse. — Elle a donné ordre au supérieur de venir lui parler ; et là, chez elle, en présence de quelques personnes, et faisant tenir la pauvre Flaminia debout auprès de son siége, elle a commencé par donner une semonce au supérieur, sans lui épargner les menaces, non-seulement de destitution, mais d’exil, si pareil scandale se renouvelait ; puis, sans avoir l’air de s’adresser particulièrement à quelqu’un de ceux qui étaient présents, elle a dit que Virginio était un impertinent, un drôle, un orgueilleux, dont il fallait rabaisser la morgue ; qu’il n’était rien ; qu’il n’était que le fils de l’une de ses servantes, et que le devoir du supérieur était de l’entretenir dans des sentiments d’humilité, conformes à son extraction. Le supérieur, à ce que l’on dit, se retira la tête basse, et Flaminia fondit en larmes. Cette aventure a été le sujet des conversations de Rome pendant huit jours, jusqu’à ce que les affaires de Mascambruno... » Justiniani s’arrêta tout à coup, sur un signe que lui fit sa belle-sœur, qui pendant la conversation n’avait pas cessé d’être attentive à ce qui se passait dans l’antichambre. En effet, un léger bruit l’ayant avertie que le prince Ludovisi arrivait sans doute, elle se leva de sa chaise et lui sourit en le voyant entrer.

Ce jeune Romain, sans posséder aucune des grandes qualités qui mettent un homme hors de ligne, ne manquait cependant pas d’élévation dans le caractère, ni d’une certaine pénétration d’esprit, qui auraient pu lui faire fournir une carrière éclatante dans tout autre cour que celle de Rome, où alors les ambitieux n’avaient pour but, une fois qu’ils étaient parvenus à un certain rang, que d’augmenter leur fortune et celle de leur famille. Cependant il restait au fond de son âme quelques étincelles d’honneur, ce qui faisait que la princesse de Rossano lui montrait plus d’amitié et de confiance qu’aux autres princes romains. Elle lui fit partager le