Page:Delécluze - Romans, contes et nouvelles, 1843.djvu/205

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’il était indispensable qu’il y vînt lui-même s’il avait quelque désir de la voir.

Après avoir donné cette missive à un courrier qui partit aussitôt pour Frascati, elle fit appeler l’un de ses gentilshommes, qu’elle chargea d’aller chez le pape d’abord, puis chez dona Olimpia, pour les assurer de ses respects et les prévenir de son arrivée.

Innocent et sa belle-sœur en étaient déjà instruits. Ils n’ignoraient même plus aucun détail de l’ovation qu’avait reçue la princesse dans la rue du Cours. Mais à peine cet événement était-il parvenu jusqu’aux oreilles du pape, qu’il avait fait appeler Pancirole, avec lequel il était encore en conférence à ce sujet, lorsque le gentilhomme de la princesse vint s’acquitter de sa commission. Dans le premier moment, le pontife entra dans une violente colère ; il voulait donner l’ordre de faire chasser sa nièce de Rome à l’instant ; mais le prudent trésorier l’engagea à prendre conseil de la nuit, en lui faisant observer que cet acte violent, exercé sur une femme jeune, belle, enceinte, pourrait déterminer un soulèvement dans la ville, et que d’ailleurs la princesse était sans doute poussée à cette témérité par le duc de Parme, qui prendrait parti dans une injure faite à sa parente. Ces raisons et d’autres encore qui rendaient toujours le pontife indulgent pour la princesse de Rossano, quand il était fatigué de l’ascendant de dona Olimpia, le calmèrent. Il donna congé à Pancirole, en lui recommandant de revenir parler de cette affaire le lendemain, et finit par dire : « Vous verrez que cette petite étourdie nous donnera de l’embarras ! »

Pour dona Olimpia, elle avait été avertie par ses espions de ce qui avait eu lieu dans Rome, avant même que la princesse arrivât jusqu’au palais de Venise. Prise tout à coup d’une douleur violente d’estomac et d’une fièvre, elle profita de cet accident pour faire fermer son palais et ne recevoir personne ; car elle connaissait la princesse de Rossano, et voulut s’épargner la mortification de recevoir son injurieuse politesse. Pendant toute la nuit elle roula dans son esprit des projets de violences ; et quand par moment un sommeil pénible faisait tomber ses paupières, elle voyait la princesse