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de Rossano au milieu de la rue du Cours, recevant les hommages des Romains, et elle se réveillait en bondissant de fureur sur son lit.

CHAPITRE IV.

Le gouvernement temporel du saint-siége n’étant qu’une manifestation de l’ordre établi par l’Église, la fixité en est sans doute l’essence et en fait la force ; mais elle produit aussi son imperfection. L’immobilité du principe immatériel se trouve trop souvent compromise par les changements et les révolutions qui gouvernent les choses du monde, pour que les améliorations pratiques, toujours inévitables, se combinent facilement avec un ordre immuable. Aussi la cour de Rome n’a-t-elle jamais accueilli les nouveautés qu’avec la plus grande circonspection.

Cette prudence traditionnelle, à laquelle le christianisme doit en partie ses dix-huit cent quarante ans d’existence, a cependant été mise assez souvent en défaut par la mauvaise application qu’on en a faite ; et il s’est présenté tels grands événements dont les pontifes, malgré toute leur prévoyance, n’ont pas mieux calculé les tristes résultats que les princes temporels ; ce qui a jeté les uns et les autres dans les mêmes difficultés, dans les mêmes malheurs.

À la fin du quinzième siècle, lorsque la découverte du nouveau monde fournit au saint-siége l’occasion de partager, en vertu du pouvoir apostolique, les diverses parties du continent américain entre les princes qui régnaient sur le nôtre, personne, même à Rome ! ne prévit la grande révolution que devait produire bientôt l’introduction subite d’une masse énorme d’or en Europe.

Les deux états qui profitèrent aussitôt, et le plus abondamment, des divers avantages que l’on peut se procurer avec cette matière précieuse, furent l’Espagne qui la recueillit, et le saint-siége, à qui l’Espagne la prodigua. Par ce secours artificiel, la puissance spirituelle de Rome et la force matérielle des souverains de la péninsule ibérique acquirent une