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possible de présenter les vérités de la religion sous des images plus vives et plus brillantes.

Mais madame de Soulanges, qui rapportait tout ce qu’elle voyait ou entendait à sa fille, jeta au même instant les yeux sur elle, pour démêler si les paroles de M. de Lonzac, encore qu’un peu mignardes, n’avaient pas lancé quelques étincelles dans son cœur. Bien loin de là, Louise n’avait pas même écouté la comparaison de son directeur.

L’indifférence ou plutôt l’inattention que venait de montrer Louise dans cette circonstance, avait été telle que sa mère en ressentit une espèce de dépit ; mais son mécontentement s’accrut encore lorsqu’elle surprit le regard de sa fille dirigé avec curiosité et impatience vers le champ de fraises situé derrière l’endroit où toute la société était assise. Cependant, sans quitter des yeux ce qui la préoccupait, Louise se leva et dit : — Maman, voulez-vous me permettre...

— Que voulez-vous donc encore, ma fille ? interrompit madame de Soulanges avec un peu de vivacité.

— Je désirerais, répondit Louise, sans s’apercevoir de l’émotion de sa mère, que vous voulussiez bien me permettre d’aller cueillir des fraises, là, derrière vous, avec la pauvre Toinette, vous savez ? celle dont la mère est morte il y a huit jours ; le voulez-vous ?

— Eh bien, allez cueillir des fraises, dit aussitôt la comtesse avec un ton d’humeur et de découragement auquel Louise ne prit même pas garde, tant elle s’élança avec vivacité au delà de la haie.

Cette petite scène était passée inaperçue du curé, de M. de Soulanges et de l’abbé de Lonzac, qui, revenant sur l’image poétique qu’il avait rapportée, en faisait goûter à ses admirateurs, par une analyse soignée, l’élégance, la justesse et la force.

Étrangère à cette espèce de leçon de littérature, et l’œil fixé vers la terre, madame de Soulanges réfléchissait avec douleur à l’insensibilité complète de sa fille pour tout ce qui se rattachait à l’idée de la divinité ; et, dans l’amertume de son dépit, elle se désolait de ce que les paroles de l’abbé de Lonzac avaient glissé sur son âme, comme on se désespère au-