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M. de Thiézac, cédant à l’influence de cette température, reposaient déjà, que mademoiselle Justine parcourait encore la partie de la maison habitée par elle et son père, pour y faire son inspection habituelle. Tout était calme, en ordre, et le silence n’était interrompu que par le bruit de ses pas et le frôlement de sa robe. En montant l’escalier qui mène à sa chambre, elle était triste et pensive.

— Ernest ? se disait-elle, que fait-il ? que pense-t-il en ce moment ?... Il doit m’en vouloir... le pauvre enfant !

Et elle s’arrêtait, tenant sa lumière d’une main et de l’autre s’appuyant sur la rampe. Navrée de tristesse, elle parvint ainsi jusqu’à sa porte, et tourna nonchalamment la clef qui y demeurait habituellement pendant le jour. Comme elle fut entrée et qu’elle eut placé son flambeau sur un meuble, en promenant ses regards autour d’elle, elle aperçut non sans terreur Ernest lui-même, se tenant debout dans une encoignure de la chambre. Sa première idée fut qu’elle avait une vision, en sorte qu’un sentiment assez doux précéda celui de la colère dans son cœur.

— Quoi ! vous ici, monsieur ! dit-elle enfin, et presque bas ; car, malgré son extrême frayeur, elle eut encore la force de modérer sa voix.

— Vous ici ! venez-vous pour me perdre ?... c’est indigne ! sortez ! sortez !...

La contenance d’Ernest était triste, abattue, et il se disposait à sortir sans répondre, lorsque mademoiselle Justine, faisant quelques pas vers lui, l’arrêta.

— Mais non, restez, dit-elle ; j’oubliais que toutes les portes sont fermées, et puisque vous avez été assez audacieux pour pénétrer jusqu’ici, je veux au moins connaître le prétexte qui vous y a fait venir : parlez, hâtez-vous de parler, je vous prie.

Cette phrase, prononcée avec une certaine volubilité, expira tout à coup sur les lèvres de mademoiselle de Liron, et à l’effort qu’elle avait fait sur elle-même pour se contenir en apercevant Ernest, succéda une défaillance qui la força de se jeter dans un fauteuil. Ernest sortit alors de l’abattement où il était plongé, et saisissant un flacon d’eau de senteur qu’il trouva à sa portée, il en frotta les narines et les tempes de sa