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même qu’elle était envers ses inférieurs, elle devint réservée, discrète et modestement prévenante. Son esprit même, qui n’avait été qu’agréable et enjoué jusqu’à ce moment, se nourrit des pensées les plus élevées, se plut dans des méditations profondes sur ce Dieu qu’il avait ignoré si longtemps. Enfin l’âme de mademoiselle de Soulanges s’élança d’un saut, de l’indifférence puérile jusqu’aux extases de la religion la plus fervente.

Cette nouvelle disposition toucha singulièrement madame de Soulanges et le curé. Il est inutile de dire l’impression qu’elle fit sur M. de Lébis, qui y voyait tout à la fois le perfectionnement d’une personne qu’il adorait, et l’espoir très-prochain de réaliser un bonheur auquel il attachait chaque jour plus de prix.

Madame de Soulanges n’ignorait pas que tout ce qui durait tant soit peu, fatiguait la patience de son mari. Ingénieuse dans sa sollicitude maternelle, elle l’engagea donc à s’occuper au plus tôt de tous les préparatifs qui se rapportaient à la cérémonie prochaine, et ne craignit pas même de le charger du choix de la toilette de leur enfant, en lui rappelant à ce sujet la confiance qu’on avait toujours mise en son bon goût.

De là de fréquents voyages que fit M. de Soulanges à la ville voisine, pour l’achat des vêtements, pour la réparation des équipages ; absences doublement profitables, puisqu’elles permettaient à madame de Soulanges de faire observer rigoureusement chez elle et autour de sa fille, une discipline religieuse, tandis que son mari, tout en s’occupant aussi de son enfant, trouva cependant dans ces soins l’excuse d’une distraction qui lui était indispensable.

Il serait bien difficile d’exprimer tout ce qui se passait dans l’âme du jeune de Lébis. Retenu par sa discrétion naturelle et par les engagements qu’il avait pris, il ne se présentait pas au château de Soulanges. Seul chez lui, il employait une grande partie de ses journées à lire et à relire les lettres fréquentes dans lesquelles madame de Soulanges lui rendait un compte exact des progrès que sa fille faisait dans son instruction religieuse.