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En effet, l’ardeur avec laquelle cette jeune personne se préparait au grand acte qu’elle allait faire augmentait de jour en jour. La pénétration pieuse et rapide avec laquelle elle saisissait les vérités de la religion, était cause que souvent l’abbé de Lonzac lui-même avait peine à suivre le vol audacieux de sa pensée ; innocente supériorité dont Louise ne s’apercevait même pas. Au contraire, un instinct secret lui faisait désirer la conversation des personnes plus simples. La bonhomie pieuse du curé lui allait mieux, et ce qu’elle recherchait surtout, était la présence de Toinette. Ses entretiens avec cette petite avaient pour elle un attrait indicible. Elle lui parlait peu ; il lui suffisait de la voir, car la pureté angélique du regard de la jeune paysanne lui donnait une preuve mille fois plus convaincante de la bonté divine, que tous les arguments les plus habilement préparés.

Cette espèce de confraternité religieuse fournit à la jeune Toinette l’idée de renouveler sa communion le jour où Louise se présenterait la première fois à la sainte table. Ce vœu fut joyeusement accueilli par toute la famille, et le curé profita de cette bonne disposition pour demander que l’on accordât la même faveur aux deux jeunes filles du jardinier.

Enfin arriva le grand jour attendu depuis si longtemps. Déjà la cloche de l’église annonçait d’avance l’heure de l’office, et Toinette, ainsi que les autres petites villageoises, vêtues et voilées de blanc, attendaient dans le salon que la toilette de mademoiselle de Soulanges fût achevée. On avait attelé les chevaux à la grande calèche où devaient monter la comtesse, sa fille et ses trois jeunes compagnes. Impatient de voir si les préparatifs étaient convenablement faits, M. de Soulanges était allé d’avance à l’église, où il trouva le jeune de Lébis et plusieurs familles des environs que l’intérêt et la curiosité attiraient à cette pieuse cérémonie.

Cependant madame de Soulanges présidait à l’habillement de sa fille, qui, tout absorbée dans la crainte respectueuse que lui inspirait l’approche du moment où Dieu allait descendre en elle, se tenait immobile, obéissant sans résistance, mais sans volonté distincte, à toutes les attitudes que sa mère et ses femmes lui faisaient prendre pour la parer.