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qui, en ramenant Michel d’Amérique, s’était encore chargée de remettre tout ce qu’il possédait à ses parents. On fit à l’instant même les préparatifs du départ, et il fut convenu que je voyagerais dans la même voiture que le malade. Tout étant disposé, j’allai le lendemain à cinq heures du matin prendre Michel. Il régnait un calme sur sa physionomie et dans ses mouvements qui fut jugé d’un favorable augure ; en effet, lorsque je lui parlai du départ, il obéit avec une entière docilité à tout ce que je lui conseillai de faire. Il parla peu, me regarda plusieurs fois en laissant échapper un sourire où perçait la tristesse et comme une espèce de honte ; mais dès que tout fut prêt, il se mit en route sans faire la moindre observation. Pendant le voyage, j’eus soin de lui donner l’explication des choses les plus simples qui s’offrirent à nos regards, afin de ramener son esprit peu à peu à la réalité. Pour lui, il resta toujours attentif, calme et silencieux ; souvent il serrait mes mains dans les siennes, mais sans rien dire.

À dix heures du soir, nous étions à Londres, où Michel se trouva bientôt au milieu des personnes de sa famille. En peu de jours les progrès de sa raison furent assez sensibles pour que l’on conçût l’espérance d’une guérison, sinon parfaite, du moins tranquillisante pour le bien-être du malade et le repos de sa famille. Les affaires d’intérêt réglées, Michel et les siens repassèrent en France.

De retour moi-même dans mon pays, je reçus des nouvelles de Michel. On l’avait emmené à Gerardmer, dans les Vosges, son pays natal. Là son esprit s’était tout à fait calmé, au milieu des soins tendres de sa famille. Il paraissait toujours un peu triste et était habituellement fort silencieux. Quoiqu’il parût prendre plaisir à voir tous ceux qui lui prodiguaient des soins, jamais cependant, il n’a laissé juger qu’il les reconnût précisément pour ses amis d’enfance ou ses parents. Il aimait à être seul, son plaisir était de se promener sur les bords du lac de Gerardmer ; son occupation consistait à faire avec du bois et du fer des ouvrages d’une perfection rare, dont plusieurs font l’ornement du musée d’Épinal.