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Mariette s’acquitta ponctuellement de sa commission. Lorsqu’elle remit le billet, M. de Liron, entouré de ses papiers, revoyait précisément le projet de contrat de mariage avec M. de Thiézac. Le vieillard ouvrit et lut tout aussitôt la lettre de sa fille, et le saisissement qu’il en éprouva ne lui permit que de dire à M. de Thiézac :

— Tenez, monsieur, cela vous regarde.

M. de Thiézac lut ce qui suit :


« Mon très-cher et très-honoré père,

Malgré tout le chagrin que je vais vous causer, la conscience me fait un devoir de vous dire que je ne puis absolument consentir à l’union que vous avez projetée pour moi. Il n’y a ni légèreté ni caprice dans ma résolution. Je ne crois pas pouvoir faire le bonheur de la personne qui a bien voulu m’honorer de sa préférence. Dites-lui l’estime profonde que sa noble conduite m’inspire, et donnez-lui-en pour preuve ce que j’ai le courage de faire en ce moment. Pardonnez-moi, mon père.

Votre respectueuse fille.
J. de Liron. »        

— Eh bien ! demanda le vieux père à son ami, comprenez-vous quelque chose à tout cela ?

— C’est tout au plus, répondit M. de Thiézac ; mais pour ce qui me touche personnellement dans cette affaire, je vois que mademoiselle votre fille a un genre de probité rare parmi les personnes de son sexe ; et cette qualité, je l’avoue, me fera toujours regretter la perte de sa main.

M. de Liron resta absorbé dans les réflexions où cet événement inattendu le plongea, et M. de Thiézac rentra presque aussitôt chez lui pour faire ses préparatifs de départ.

L’habitation de Chamaillères fut bien silencieuse pendant toute cette journée du 23 juin qui suivit le départ d’Ernest. Vers le soir, M. de Thiézac fit ses adieux à M. de Liron, et se mit en route pour Clermont. Un séjour plus long chez son vieil ami aurait rendu sa position désagréable, et d’ailleurs,