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contraires à cette sage et aimante personne. La joie qu’elle éprouva d’abord, en apprenant qu’elle allait revoir son cousin, fut indicible, puis ce sens droit et imperturbable qui présidait à toutes ses pensées, à toutes ses actions ; qui l’avait empêchée par exemple de jamais témoigner l’impatience du retour de son cousin, dans toutes les lettres qu’elle lui écrivit pendant son absence ; cette prudence pleine de tendresse lui fit à son tour regretter qu’une séparation plus longue n’eût pas consommé une rupture qu’elle jugeait toujours indispensable au bonheur de son cher Ernest.

Le 22 juillet, à huit heures du matin, Ernest était à Clermont, où il laissa tout son bagage pour ne faire qu’un saut jusqu’à Chamaillères. Depuis une heure et plus, mademoiselle Justine de Liron, dans l’attente, et ne pouvant ni s’occuper ni même réfléchir, allait de la grille d’entrée au banc de la grande allée, où elle ne pouvait rester assise que deux secondes, dans l’appréhension où elle était de ne pas voir son cousin la première. Enfin il arriva, poussa la grille, et s’élança en courant jusque vers sa cousine, qu’il embrassa plusieurs fois sans pouvoir rien dire. Pour elle, l’émotion que lui causa la vue d’Ernest provoqua une de ces palpitations auxquelles elle était devenue sujette, et elle prit le bras de son cousin à deux mains, en appuyant sa tête sur son épaule. Tous deux gardaient le silence.

— Marchons, dit enfin mademoiselle Justine ; et ils avancèrent à pas très-lents.

À moitié de l’avenue, elle s’arrêta encore ; et sans regarder Ernest :

— Vous êtes grandi, lui dit-elle ; je m’en aperçois au mouvement de mon bras.

À ce moment, Mariette, passant près de la maison, s’écria tout à coup :

— Voilà monsieur Ernest !

Et elle courut en prévenir M. de Liron. Le vieillard était sur son fauteuil dans le salon, où Mariette préparait déjà des sièges pour Ernest et mademoiselle Justine qui entraient.

Le vieil oncle reçut les tendresses que lui fit son neveu avec ces marques de sensibilité qui, chez les personnes âgées