Page:Delécluze - Romans, contes et nouvelles, 1843.djvu/81

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Ne pas respecter l’image de quelqu’un que vous avez aimé... Si pareille pensée me venait, je ne me le pardonnerais de ma vie. Tenez... il lui remit l’écrin.

— Levons-nous, dit alors mademoiselle de Liron ; je sens le besoin de marcher.

Ernest donna le bras à sa cousine, qui se mit à lui parler sur elle-même avec toute la franchise et le désintéressement qu’elle aurait montrés s’il eût été question d’une autre femme.

— Voilà votre pauvre Justine, mon ami, et vous conviendrez, dit-elle, que c’est une affaire bien grave et une perspective fort chanceuse que d’épouser une femme plus âgée que vous, et qui a eu un amant...

— Mais pensez-vous...

— Qu’on le sache ? Je n’en doute pas un instant, et pour un diplomate vous êtes bien en retard si vous ne savez pas que ces secrets-là sont connus de tout le monde.

— Mais je puis vous assurer que je n’ai jamais entendu dire un seul mot qui y fît allusion.

— Cela ne prouve rien, si ce n’est que, comme de coutume, ce sont ceux qui entourent un malade qui sont les derniers avertis de son état. D’ailleurs tout cela s’explique ; je vis retirée, je ne m’occupe des affaires de personne, je ne suis pas entourée d’une parenté nombreuse, tout cela entretient le silence. Mais s’il m’arrivait seulement, dans un accès d’humeur, de faire l’apparence d’une injustice à un domestique, vous entendriez le lendemain ce que l’on dirait sur mon compte ! Non, mon ami, ne vous faites pas d’illusions de ce genre, parce qu’elles sont fatales. Dans ces cas-là il faut accepter la vérité telle qu’elle est, et prendre son parti sur le qu’en dira-t-on ?... C’est ce que je fais pour ce qui me regarde, mais ce que je ne vous conseille nullement de faire pour vous, à propos de moi. Adieu, Ernest ; je vous laisse réfléchir à notre entretien. Je vais retourner un instant près de mon père et vaquer à quelques soins dans la maison. Adieu ; nous causerons encore de tout cela ; mais attendons quelques jours pour y revenir : réfléchissez...

La confidence de mademoiselle de Liron produisit sur son