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mes lumières, je viens vous prier, monsieur, de trouver bon que je fasse venir ici deux de mes confrères.

La manière ferme dont ces paroles furent prononcées contrastait tellement avec la timidité ordinaire de M. Tilorier, qu’Ernest en conclut avec raison qu’il fallait que le docteur eût des craintes sérieuses pour se décider à parler ainsi.

— Mais, monsieur, dit Ernest en cherchant par son expression à adoucir l’effet des paroles un peu dures qu’il avait dites un instant avant, vous êtes donc inquiet ?

— Très-inquiet, monsieur.

— Très-inquiet ?

— Très-inquiet, je vous le répète.

Une pâleur subite couvrit le visage d’Ernest ; M. Tilorier s’en aperçut, et lui offrit son bras en disant :

— Pardon, monsieur, si j’ai mis de la brusquerie dans la manière dont je vous ai annoncé l’état fâcheux où est la santé de mademoiselle de Liron ; mais vous êtes la seule personne ici à qui je puisse m’ouvrir à ce sujet, et il est nécessaire que les secours soient promptement administrés. Cette nécessité seule a pu me faire enfreindre les lois de la politesse.

— Ah ! monsieur ! que dites-vous ? c’est moi qui me suis oublié ! pardonnez-le-moi...

Après le silence qui succéda à cette petite explication, M. Tilorier, reprenant son caractère de médecin et ses locutions timides, dit à Ernest :

— Monsieur, vous avez pu vous apercevoir avec quelle indifférence mademoiselle de Liron traite son mal. À peine si, lorsque je l’interroge à ce sujet, j’en puis recevoir quelques paroles sérieuses. Cependant il serait nécessaire... indispensable que je pusse savoir comment elle passe ses jours, ses nuits ; quelles sont ses occupations tant corporelles que mentales.

Ernest parut étonné de la nature de ces questions.

— Pardon si j’entre dans ces détails, continua le docteur ; mais il est indispensable de les connaître, et malgré toute la retenue que m’impose la discrétion qui m’est naturelle, en conscience, monsieur, je me vois obligé d’avoir recours à vous pour savoir si mademoiselle de Liron n’a pas eu et n’a