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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.


Mercredi 7. — Encore un mercredi… Je n’avance guère… Le temps beaucoup.

Travaillé au petit Don Quichotte. — Le soir, Leblond, et essayé de la lithographie[1]. Projets superbes à ce sujet. Charges dans le genre de Goya.

— La première et la plus importante chose en peinture, ce sont les contours. Le reste serait-il extrêmement négligé que, s’ils y sont, la peinture est ferme et terminée. J’ai plus qu’un autre besoin de m’observer à ce sujet : y songer continuellement et commencer toujours par là.

Le Raphaël doit à cela son fini, et souvent aussi Géricault.

— Je viens de relire en courant tout ce qui précède : je déplore les lacunes. Il me semble que je suis encore le maître des jours que j’ai inscrits, quoiqu’ils soient passés ; mais ceux que ce papier ne mentionne point sont comme s’ils n’avaient point été[2].

Dans quelles ténèbres suis-je plongé ? Faut-il qu’un misérable et fragile papier se trouve être, par ma

  1. Delacroix ne considérait pas comme sérieux ses premiers essais, remontant à 1817 : mais on sait que plus tard il devint un maître du dessin lithographique.
  2. Une des raisons qui sans doute contribuèrent le plus à la rédaction du Journal, du moins dans les premiers temps de la carrière artistique de Delacroix, fut le manque de mémoire dont il se plaint à plusieurs reprises et auquel ce passage fait allusion ; et puis, de même qu’il croyait à la nécessité d’une hygiène physique rigoureuse pour favoriser le travail de l’esprit, il était intimement convaincu de l’utilité d’une hygiène mentale journalière comportant des obligations strictes et des exercices réguliers. Ces principes de conduite ne contribuèrent pas peu à l’admirable fécondité dont il donna l’exemple.