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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

faiblesse humaine, le seul monument d’existence qui me reste ? L’avenir est tout noir. Le passé qui n’est point resté, l’est autant. Je me plaignais d’être obligé d’avoir recours à cela ; mais pourquoi toujours m’indigner de ma faiblesse ? Puis-je passer un jour sans dormir et sans manger ? Voilà pour le corps. Mais mon esprit et l’histoire de mon âme, tout cela sera donc anéanti, parce que je ne veux pas en devoir ce qui peut m’en rester à l’obligation de l’écrire ; au contraire, cela devient une bonne chose que l’obligation d’un petit devoir qui revient journellement.

Une seule obligation, périodiquement fixe dans une vie, ordonne tout le reste de la vie : tout vient tourner autour de cela. En conservant l’histoire de ce que j’éprouve, je vis double ; le passé reviendra à moi… L’avenir est toujours là.

— Se mettre à dessiner beaucoup les hommes de mon temps. Beaucoup de médailles, voilà pour le nu.

Les gens de ce temps : du Michel-Ange et du Goya.

— Lire la Panhypocrisiade.

Jeudi 8 avril. — L’argent me pressera bientôt. Il faut travailler ferme. Pioché au Don Quichotte.

— À Tancrède le soir, médiocrement amusé.

— Acheté des gravures allemandes du temps de Louis XIII.

Vendredi 9. — Aujourd’hui Bergini. Refait l’homme au coin. — Le soir, Pierret… le Leicester.