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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

fond tout noir à contenter. Si je ne me suis pas agité comme un serpent dans la main d’une pythonisse, je suis froid ; il faut le reconnaître et s’y soumettre, et c’est un grand bonheur. Tout ce que j’ai fait de bien a été fait ainsi.

Recueille-toi profondément devant ta peinture et ne pense qu’au Dante. C’est ceci que j’ai toujours senti en moi !

Dimanche 9 mai. — Déjà le 9 ! Quelle rapidité !

J’ai été vers huit heures à l’atelier. Ne trouvant pas Pierret, j’ai été déjeuner au café Voltaire. J’étais passé chez Comairas, lui emprunter les Pinelli.

Je me suis senti un désir de peintures du siècle. La vie de Napoléon fourmille de motifs.

— J’ai lu des vers d’un M. Belmontet[1], qui, pleins de sottises et de romantique, n’en ont que plus, peut-être, mis en jeu mon imagination.

— Mon tableau prend une tournure différente. Le sombre remplace le décousu qui y régnait. J’ai travaillé à l’homme au milieu, assis, d’après Pierret. Je change d’exécution.

— Sorti de l’atelier à sept heures et demie. Dîner chez un traiteur nouveau pour moi ; puis chez la cousine.

Hier samedi 8. — Déjeuné avec Fielding et Soulier ; puis chez Dimier, pour voir ses antiquités : quatre

  1. Delacroix veut sans doute parler d’un recueil élégiaque, les Tristes, que M. de Belmontet fit paraître en 1824.