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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

de Voltaire. » On voit que le modeste philosophe prenait d’avance, pour la postérité, la peine de nommer son siècle. Il fut mené par un de ses amis déjeuner avec Jean-Jacques, rue Plalrière… ils sortirent ensemble. Aux Tuileries, des enfants jouaient à la balle : « Voilà, disait Rousseau, comme je veux qu’on exerce Émile », et choses semblables. Mais la balle d’un enfant vint heurter la jambe du philosophe, qui entra en colère, et poursuivit l’enfant de son bâton, quittant brusquement ses deux amis.

— Travaillé peu aujourd’hui et à la vieille. — Hier, dîné avec Leblond.

Mardi 1er juin. — Chez Leblond. — Dufresne n’est point parti : je le verrai ces jours-ci, peut-être demain. Il a amené le docteur Bailly[1].

— J’ai travaillé beaucoup l’homme nu couché, d’après Pierret.

— Soulier revenu de sa campagne.

— Le docteur Bailly : l’œil doux et le maintien réservé. En rentrant, je me vis dans la glace, et je me fis presque peur de la méchanceté de mes traits… C’est pourtant lui qui doit porter dans mon âme un fatal flambeau qui, semblable aux cierges des morts, n’éclaire que les funérailles de ce qui y reste de sublime.

  1. Sans doute le docteur Joseph Bailly, né en 1779, mort en 1832, qui fit les campagnes du Consulat et de l’Empire, et publia des ouvrages appréciés.