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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

hommes portant des lances. Puis le roi, qui s’est avancé vers nous et s’est arrêté très près[1]. Grande ressemblance avec Louis-Philippe, plus jeune, barbe épaisse, médiocrement brun. Burnous fin et presque fermé par devant. Haïjck par-dessous sur le haut de la poitrine et couvrant presque entièrement les cuisses et les jambes. Chapelet blanc à soies bleues autour du bras droit qu’on voyait très peu. Étriers d’argent. Pantoufles jaunes non chaussées par derrière. Harnachement et selle rosâtre et or. Cheval gris, crinière coupée en brosse. Parasol à manche de bois non peint ; une petite boule d’or au bout ; rouge en dessus et à compartiment, dessous rouge et vert[2].

  1. Dans une lettre à Pierret du 23 mars, Delacroix décrit ainsi l’audience de l’Empereur : « Il nous a accordé une faveur qu’il n’accorda jamais à personne, celle de visiter ses appartements intérieurs, jardins, etc… Tout cela est on ne peut plus curieux. Il reçoit son monde à cheval, lui seul, toute sa garde pied à terre. Il sort brusquement d’une porte et vient à vous avec un parasol derrière lui. Il est assez bel homme. Il ressemble beaucoup à notre roi : de plus la barbe et plus de jeunesse. Il a de quarante-cinq à cinquante ans. » (Corresp., t. I, p. 183.)
  2. La Réception de l’empereur Abd-Ehr-Rhaman est une des plus belles toiles de Delacroix : elle se trouve au musée de Toulouse. — À propos des audaces de coloriste qui effrayaient le public au Salon de 1845, Baudelaire écrivait : « Voilà le tableau dont nous voulions parler tout à l’heure, quand nous affirmions que M. Delacroix avait progressé dans la science de l’harmonie. En effet, déploya-t-on jamais en aucun temps une pareille coquetterie musicale ? Véronèse fut-il jamais plus féerique ? Vit-on jamais chanter sur une toile de plus capricieuses mélodies ? Un plus prodigieux accord de tons nouveaux, inconnus, délicats, charmants ? Nous en appelons à la bonne foi de quiconque connaît son vieux Louvre. Qu’on cite un tableau de grand coloriste où la couleur ait autant d’esprit que dans celui de M. Delacroix. Nous savons que nous serons compris d’un petit nombre, mais cela nous suffit. Ce tableau est si harmonieux malgré la