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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

modèle rabaisse son homme. Une personne sotte vous assotit. L’homme d’imagination, dans son travail pour élever le modèle jusqu’à l’idéal qu’il a conçu, fait aussi, malgré lui, des pas vers la vulgarité qui le presse et qu’il a sous l’œil[1].

— Vu deux actes des Huguenots… Où est Mozart ? Où est la grâce, l’expression, l’énergie, l’inspiration et la science ? le bouffon et le terrible… ? Il sort de cette musique tourmentée des efforts qui surprennent, mais c’est l’éloquence d’un fiévreux, des lueurs suivies d’un chaos.

Piron m’y a donné des nouvelles de Mlle Mars, qui est bien mal.

Charles[2] très affligé.

20 février. — Les moralistes, les philosophes, j’entends les véritables, tels que Marc-Aurèle, le Christ, en ne le considérant que sous le rapport humain, n’ont jamais parlé politique. L’égalité des droits et vingt autres chimères ne les ont pas occupés, ils n’ont recommandé aux hommes que la résignation à la destinée, non pas à cet obscur fatum des anciens, mais à cette nécessité éternelle que personne ne peut nier, et contre laquelle les philanthropes ne prévaudront point, de se soumettre aux arrêts de la

  1. « Sans idéal, il n’y a ni peintre, ni dessin, ni couleur ; et ce qu’il y a de, pis que d’en manquer, c’est d’avoir cet idéal d’emprunt que ces gens-là vont apprendre à l’école et qui ferait prendre en haine les modèles. » (Correspondance, t. II, p. 19.)
  2. Comte de Mornay.