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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

laquelle toute peinture à l’huile paraît toujours rousse et pisseuse, tient à cette transparence continuelle du papier ; la preuve, c’est quelle perd de cette qualité quand on gouache quelque peu ; elle la perd entièrement dans une gouache. Les peintures flamandes primitives ont beaucoup de ce charme : l’emploi de l’essence y contribue en éloignant l’huile.

8 octobre. — Se rappeler l’impression d’un tableau de Jacquand[1], que j’ai vu un de ces jours à côté d’un tableau de Diaz, chez Durand-Ruel. Dans le premier, l’imitation minutieuse d’après nature des moindres objets, sécheresse, gaucherie ; dans l’autre, où tout est sorti de l’imagination du peintre, mais où les souvenirs sont fidèles, la vie, la grâce, l’abondance.

Le tableau de Jacquand représentait des moines de l’Inquisition, montrant l’entrée d’une espèce de trou à une femme assise à terre et qu’ils semblaient menacer. Le dos de cette femme était enfoncé dans la muraille, qui était derrière elle, etc. ; on eût dit ce tableau fait par un homme incapable du moindre souvenir des objets, et pour lequel le détail qu’il a sous les yeux est le seul qui puisse le frapper.

9 octobre. — J’ai vu avec Mme de Forget, chez

  1. Jacquand, peintre, né à Lyon en 1805. Il fit d’abord de la peinture historique, puis se livra à la peinture de genre et exécuta de nombreux tableaux, commandés par la liste civile ou acquis par les amateurs.