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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

porte encore les matelas et les couvertures qui lui ont servi, ainsi qu’à la Reine. Dans le théâtre, était un monceau de débris de meubles brisés, d’écrins forcés, d’armoires enfoncées, et partout les portraits mis en pièces, à l’exception toutefois de ceux du prince de Joinville ; d’où vient cette préférence ? Il est difficile de s’en rendre compte.

Je devais, en sortant, aller chez J… ; j’étais trop fatigué et suis rentré chez moi.

24 janvier. — A la commission à neuf heures. Bonne journée.

— Vu Mornay chez lui.

29 janvier. — Alertes dès le matin pour la révolte de la garde mobile.

— Le soir, été voir Chopin ; je suis resté avec lui jusqu’à dix heures. Cher homme ! Nous avons parlé de Mme Sand[1], de cette bizarre destinée, de ce

  1. Le nom de George Sand revient assez souvent dans le cours du Journal ; les relations entre elle et Delacroix furent assez suivies pour qu’il paraisse intéressant de rappeler ici le jugement qu’elle portait sur Delacroix dans une lettre au critique Th. Silvestre : « Il y a vingt ans que je suis liée avec lui, et par conséquent heureuse de pouvoir dire qu’on doit le louer sans réserve, parce que rien dans la vie de l’homme n’est au-dessous de la mission si largement remplie du maître ; et je n’ai probablement rien à vous apprendre sur la constante noblesse de son caractère et l’honorable fidélité de ses amitiés. Il jouit également des diverses faces du Beau par les côtés multiples de son intelligence. Delacroix, vous pouvez l’affirmer, est un artiste complet. Il goûte, il comprend la musique d’une manière si supérieure, qu’il eût été probablement un grand musicien, s’il n’eût pas choisi d’être un grand peintre. Il n’est pas moins bon juge en littérature, et peu d’esprits sont