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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

composé de qualités et de vices. C’était à propos de ses Mémoires. Il me disait qu’il lui serait impossible de les écrire. Elle a oublié tout cela ; elle a des éclairs de sensibilité et oublie vite. Elle a pleuré son vieil ami Pierret et n’y a plus pensé. Je lui disais que je lui voyais à l’avance une vieillesse malheureuse. Il ne le pense pas… Sa conscience ne lui reproche rien de ce que lui reprochent ses amis. Elle a une bonne santé qui peut se soutenir : une seule chose l’affecterait profondément, ce serait la perte de Maurice, ou qu’il tournât mal.

Quant à Chopin, la souffrance l’empêche de s’intéresser à rien, et à plus forte raison au travail. Je lui ai dit que l’âge et les agitations du jour ne tarderaient pas à me refroidir aussi. Il m’a dit qu’il m’estimait de force à résister. « Vous jouissez, a-t-il dit, de votre talent dans une sorte de sécurité qui est un privilège rare, et qui vaut bien la recherche fiévreuse de la réputation. »

— Désappointement le soir : j’avais dîné chez Mme de Forget avec l’intention d’aller le soir chez Rivet ; on nous envoie deux stalles des Italiens, pour l’Italiana. Nous arrivons et nous avons l’Elisire[1].

    aussi ornés et aussi nets que le sien. Si son bras et sa vue venaient à se fatiguer, il pourrait encore dicter, dans une très belle forme, des pages qui manquent à l’histoire de l’art, et qui resteraient comme des archives à consulter pour tous les artistes de l’avenir. » (Th. Silvestre, Les artistes vivants.)

  1. Italiana in Algeri, opéra de Rossini. — L’Elisire d’amore, opéra de Donizetti.