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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

Jeudi 5 septembre. — J’ai été à la chasse avec mon frère par une chaleur étouffante ; j’ai tué une caille, en me retournant, d’une manière qui m’a attiré les éloges du frère. Ce fut, au reste, la seule pièce de la chasse, quoique j’aie tiré trois coups sur des lapins[1].

Le soir on allait au-devant de Mlle Lisette, qui est venue raccommoder mes chemises. S’étant trouvée un peu en arrière, je l’ai embrassée ; elle s’est débattue de manière à me faire peine, parce que j’ai vu résistance de son cœur. À une deuxième reprise, je l’ai retrouvée. Elle s’est nettement défaite de moi, en me disant que si elle le voulait, elle me le dirait

    M. Formé. Il l’exposa au Salon de 1839 et à l’Exposition universelle de 1855. Vente Dumas fils, 1865, 14,000 fr. ; vente Khalil-Bey, 1868, 16,500 fr. ; vente Carlin, 1872, 40,000 fr.
    Un dessin, signé et daté 1825, parut à l’Exposition posthume de Delacroix, au boulevard des Italiens.
    En 1827, il reprend le même sujet en changeant la composition ; ce tableau a été refusé au Salon de 1839. (V. Catalogue illustré Robaut.)

  1. Avec sa fougue ordinaire, Delacroix s’était tout d’abord pris de passion pour la chasse. « Je me plais beaucoup à chasser. Quand j’entends le chien aboyer, mon cœur palpite avec force, et je cours après mes timides proies avec une ardeur de guerrier qui franchit les palissades et s’élance au carnage… Rien qu’en voyant tomber un oisillon, on se sent ému et triomphant comme celui qui découvre dans l’instant que sa maîtresse l’aime. » Mais cet enthousiasme dura peu. L’année suivante (1819), il écrivait : « Décidément la chasse ne me convient pas… Il faut se traîner et avec soi une arme lourde et incommode à porter à travers les ronces… Il s’agit d’avoir pendant des heures qui n’en finissent pas l’esprit dirigé vers un objet qui est d’apercevoir le gibier. » Mais le découragement du chasseur n’éteint pas la flamme de l’artiste : « Il y a bien à tout cela des compensations telles que l’occasion saisie, le soleil levant et le plaisir enfin de voir des arbres, des fleurs et des plaines riantes au lieu d’une ville malpropre et pavée. » (Corresp., t. 1, p. 17 et 40.)