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Page:Delarue-Mardrus - Peaux d’lapins, 1944.djvu/33

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volaille des dents de Polo, la petite ouvrit la bouche pour le dire : « Il faut savoir à qui c’est pour la rendre ou la payer. » Le père Ernée l’avait élevée dans ces principes-là. Ce cache-nez tout neuf ramassé par elle un jour, il l’avait lui-même porté chez le commissaire.

Elle n’eut pas le temps de prononcer sa protestation. Marcel Ernée soupesait la poule, et il riait.

— Ça, à la bonne heure ! Tu peux dire, pour le coup, que c’est un grand dîner !

— Mais grand-père !… cria-t-elle en devenant toute rouge.

Il se laissa pendant un grand moment dévisager par les prunelles bleues de sa petite fille. C’était un regard de juge comme en ont parfois les enfants. Un drame rapide et sans paroles se jouait entre eux. Marcel Ernée, enfin, détourna les yeux. Réponse sourde, à peine intelligible : « Tu as raison, Mariette… »

Une seconde encore il hésita. La poule morte se balançait au bout de son bras, avidement guettée par le chien. Puis, avec un geste d’une violence inouïe, comme un projectile il la lui jeta. Rapide, le chien disparut, avec son bien, sous la voiture.




Ils s’étaient assis, muets, devant leur panade. Le cœur de Mariette battait fort. Avoir peur de son grand-père, c’était tellement horrible ! Mais, depuis elle ne savait plus qui il était.

Il poussa vers elle la casserole où restait un peu

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