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Page:Delarue-Mardrus - Peaux d’lapins, 1944.djvu/36

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où elle ne respirait pas encore, d’imaginer grand-père jeune, enfant même ? Son trouble allait jusqu’à une espèce de consternation.

Redevenus eux-mêmes après l’énigmatique orage d’un soir, ils avaient repris leurs tendres habitudes de chaque jour. Les semaines passaient sans heurt. Quelque chose était changé pourtant au fond du cœur de Mariette ; et c’était l’intrusion de ce grand inconnu, le passé, dans sa légère existence qui ne comportait encore que de l’avenir.




— J’aurais bien voulu emmener Polo !… dit-elle. Je suis sûre qu’il aurait été heureux de se promener avec nous dans la voiture !

— Laisse-le donc ! Il va garder pendant que nous n’y serons pas. Puisqu’il n’aime que ça, d’abord !

Et, là-dessus, la cocasse bagnole, manœuvrée par grand-père depuis une demi-heure, consentit enfin à se mettre en marche, secousses et pétarades à faire croire que toute la mécanique allait sauter.

Son bruyant passage à travers les rues de Challes eut son succès ordinaire, véritable numéro de clown guetté derrière toutes les fenêtres, salué par l’hilarité de tous les piétons. Et en avant sur les routes rousses de l’automne, à la conquête des peaux de lapins !

Mariette, comme toujours, se rengorgeait. Elle avait soigneusement peigné sa toison de conte bleu, seul luxe qu’elle pût se permettre. Assise à côté de