converser quelque peu. C’était pour tenir Mariette éveillée. Les réponses de la petite, et surtout la façon dont elle s’exprimait la laissaient intriguée. Où donc cette enfant de rien avait-elle appris tant de distinction ?
Bientôt elle cessa de dire un mot. C’est qu’elle en arrivait à ce point de son étude où l’artiste place d’une main sûre la touche qu’il faut à l’endroit qu’il faut, et voit, à chaque contact de la brosse sur la toile, se réaliser toutes ses intentions.
C’est alors, les peintres le savent, qu’on ne respire plus qu’en haletant, joie de la création mêlée à la terreur de tout gâter.
Le silence, entre la portraitiste et son petit modèle, était donc, de part et d’autre, chargé de grandes émotions.
… La joue de cette petite fille, c’est exactement la teinte d’un camélia qui se fane. Santé délicate ? Misère ? Blanc d’argent et ocre, je crois, avec un rien de rose. Le bord de ses paupières est meurtri tout autour du bleu de son œil. Il y a du violet et du brun là dedans… Il me semble que ses cheveux sont réussis. Je n’ai encore vraiment travaillé que ça. Mais j’en ferai quelques croquetons encore. Il y aurait peut-être tout un sujet à tirer d’elle. Et, tiens ! J’y pense ! Je pourrai la faire poser pour mon projet d’illustrations d’Andersen !
À deux enjambées, Mariette, du haut de son tabouret, est en train, elle, de se fabriquer des souvenirs d’enfance. Inoubliable Roi des Aulnes ! Cette heure qu’elle respire existe en soi, croit-elle. Elle ne la situe pas dans l’avenir où sera sa seule vraie