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Page:Delarue-Mardrus - Peaux d’lapins, 1944.djvu/72

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revêtue de la blouse annoncée. Elle traînait dehors avec véhémence les deux paillasses crevées afin de les secouer et battre, prélude de cette journée trépidante qu’elle entendait consacrer au nettoyage général de leur fol habitacle. Tâche à peu près impossible, d’ailleurs.




Terminé ce long jour de branle-bas, la nuit avait, une fois de plus, fermé les yeux et les poings enfantins. L’aurore, enfin, se leva sur le jour prodigieux qui devait voir Mariette face à face avec son rêve. Car c’était aujourd’hui qu’elle allait connaître Knut.

À midi, son grand-père n’avait pas pu la décider à manger. Tous les enfants connaissent ces angoisses heureuses — veille de Noël, veille des Prix, veille des grandes vacances — qui leur coupent complètement l’appétit.

Maintenant elle avançait sur la route, les genoux fauchés, le cœur pincé, pâlotte et les yeux trop grands. Des clartés et des ombres frissonnaient au passage sur sa belle petite confection bleu marine, sur ses bas et souliers de la même couleur que les feuilles sèches ; et ses cheveux extravagants s’allumaient et s’éteignaient tour à tour, seule note glaciale parmi la chaude gamme de l’automne. Le temps qu’il faisait, fuite de nuages sombres et de feuilles mortes, laissait par instants briller le petit soleil de la saison. De grands carrés d’azur apparaissaient alors dans les hauteurs, pour y disparaître aussitôt.

…Un pas vers lui. Deux pas vers lui. Combien en fallait-il encore pour arriver jusqu’à la maison

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