Page:Delarue-Mardrus - Toutoune et son amour.pdf/31

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

nettes. Elle est grande, osseuse, édentée, coiffée d’un bonnet blanc, respectable, propre, avec des petits yeux sérieux et réticents où veille la froideur moqueuse de la race, pour remettre chacun à sa place et repousser les familiarités.

Cette dignité naturelle, apanage de ceux de chez nous, sait quelquefois s’attendrir quand il le faut. Les vieux petits yeux dévisagent Toutoune, tandis que les mains serviables disposent le plateau sur le lit.

— Tu as bien reposé, mon bézot ?…

Un baiser effleure le petit front lisse. La mère Lacoste est aussi câline que peut l’être une vieille Normande, et sa grande pitié de la gamine délaissée qu’elle élève lui fait trouver des mots et des gestes d’aïeule. Mais elle a les doigts rugueux, sent un peu la lessive, et son humble camisole est dure sous la joue, quand elle dorlote ; et Toutoune ne sait pas elle-même à quel point elle souffre de ces choses. Les mains de Lacoste sur