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n’a pas, subi l’influence de travaux antérieurs ; toutes les hypothèses sont le fruit de son imagination, et tous les documents sont le résultat d’une érudition générale et d’observations particulières. Il y a donc un grand intérêt, pour le biographe surtout, à parcourir cet Essai spontané du philosophe au début de sa carrière.

L’histoire proprement dite de l’astronomie n’occupe qu’une faible partie de l’ouvrage : au surplus, elle s’arrête à Descartes. Mais la partie la plus importante consiste en réalité dans les trois premières sections, où l’auteur recherche les origines mêmes de la philosophie dans les effets de la surprise sur la formation de nos idées et sur la marche de l’esprit humain. Cette étude est fort curieuse, et, malgré les limites restreintes de ce mémoire, il est nécessaire d’en faire connaître le caractère.

Adam Smith avait remarqué que l’esprit prend plaisir à rechercher et à observer les ressemblances entre les différents objets. C’est par de telles observations, selon lui, qu’il s’efforce de combiner ses idées, d’y mettre de la méthode, de les réduire en classes, d’en faire des groupements convenables, et c’est là l’origine de ces assortiments d’objets et d’idées qu’on nomme genres et espèces. Plus nous faisons de progrès dans la science, plus nous augmentons le nombre des divisions et subdivisions, parce que nous apercevons une plus grande variété de différences entre les objets qui avaient été d’abord réunis dans une seule classe d’après leur première ressemblance.

Nous voulons toujours, en effet, rapporter chaque objet à l’une de ces subdivisions. Mais, lorsqu’il se présente à nous quelque chose de tout à fait nouveau, et que nous nous sentons incapables de faire ce rapprochement, lorsque cet objet se refuse en un mot à toute classification, nous éprouvons de l’étonnement ; cet étonnement nous pousse à rechercher les causes des phénomènes qui nous embarrassent, il nous force à leur donner au moins une explication plausible de nature à satisfaire notre esprit : c’est là l’origine de la philosophie. « Lorsque les objets se succèdent, dit Smith, selon le même ordre que les idées de l’imagination, lorsqu’ils suivent la marche que ces idées tendent à prendre d’elles-mêmes et sans le secours des impressions sen-