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nature, un spectacle plus lié et par là même plus magnifique. Selon qu’ils y ont plus ou moins réussi, ils ont aussi plus ou moins réussi à illustrer leurs auteurs : c’est le fil qui nous dirigera le mieux dans le labyrinthe de cette histoire, car il servira à la fois à jeter du jour sur le passé et sur l’avenir et il nous conduira à cette conséquence générale qu’aucun système, quelque bien établi qu’il ait pu être d’ailleurs, n’a jamais été accueilli, n’a jamais obtenu l’assentiment général, lorsque les principes de liaison qu’il employait n’étaient pas familiers aux hommes auxquels il était offert. »

Ce dessein de suivre le développement de l’esprit humain au moyen de l’histoire générale de la philosophie, était très heureux et il aurait été très fécond dans ses conséquences pour éclairer l’Histoire de la civilisation qu’Adam Smith avait en vue, car les phénomènes de la nature, qui frappent l’imagination et la surprennent, ont été en réalité un puissant stimulant du développement de l’esprit en le forçant à chercher la raison des choses.

Malheureusement, nous l’avons déjà dit, ce plan était trop vaste, et, ne pouvant en embrasser complètement chacune des parties, Adam Smith dut abandonner bientôt celle qui avait trait à l’histoire des systèmes, laissant à cet égard ses études inachevées. Mais le point de vue auquel il s’était placé méritait d’être repris et développé, et Thomas Buckle, l’un des rares philosophes qui aient étudié consciencieusement les Essais de Smith, n’a pas manqué de tirer parti de cette idée féconde pour son Histoire de la Civilisation. Nous ne pouvons, à ce sujet, résister au désir de rapprocher de l’Essai de Smith, le passage, suivant du livre de Buckle ; bien que nous n’acceptions pas toutes les conséquences de la théorie qui y est développée, nous devons reconnaître qu’il y a réellement une large part de vérité dans l’hypothèse qui y est émise, et nous croyons que c’est à Smith qu’il faut reporter l’honneur d’avoir mis le premier en lumière cette influence de l’imprévu et de la surprise sur la marche de l’entendement. « De même que nous avons vu, dit en effet Buckle[1], l’influence du climat, de la nourriture et du sol sur

  1. Hist. de la Civilisation, traduction Baillot, I, p. 137.