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factures ne fut certes pas sans causer de brusques perturbations dans la production : comme dans toute révolution, il y eut un état de transition pénible pour la classe laborieuse ; des centaines d’ouvriers se virent congédiés brusquement pour être remplacés par des agents mécaniques, et ceux qui restèrent à l’usine furent obligés un moment de subir la loi des patrons. Pour beaucoup de gens ce fut donc la misère, pour d’autres ce fut au moins une diminution de bien-être, et cette immense réforme parut à de bons esprits marquer un pas en arrière dans la marche de la civilisation. C’est ce qui frappa de Sismondi, Blanqui et bien d’autres ; mais ils auraient dû attendre que l’équilibre économique se fût rétabli pour apprécier utilement l’effet permanent de cette transformation. Pour nous, qui envisageons à un demi-siècle de distance les résultats définitifs de la crise et qui pouvons mesurer les progrès accomplis, nous constatons, forts des données de l’expérience, l’exactitude des prévisions de Smith. Loin de faire concurrence à l’ouvrier, les machines, en suscitant la production, ont augmenté la demande des bras, et non seulement le salaire réel s’est accru dans des proportions fort sensibles, mais le travail lui-même est devenu moins dangereux, moins pénible, moins malsain ; les loisirs de l’ouvrier se sont multipliés en même temps que son bien-être ; plus heureux au point de vue matériel, il est devenu plus éclairé au point de vue intellectuel et meilleur au point de vue moral.

Tels sont les résultats certains de la division du travail ; mais, pour qu’ils se produisent, il faut que la séparation des tâches soit l’effet naturel des progrès de l’industrie sans être provoquée par l’intervention d’une institution positive, quelque forme qu’elle puisse revêtir.


En effet, le grand principe qui domine ici toute cette étude de la production est celui de la du travail, et l’éminent économiste l’a célébré dans une page admirable[1] : « La plus sacrée et la plus inviolable de toutes les propriétés, dit-

  1. {{corr|Rich., liv. I, ch. X, (t. I, p. 160).|Rich., liv. I, ch. X (t. I, p. 160).