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le produit manufacturé, des endroits où il abonde à ceux où il manque ». Il n’y a là autre chose qu’une confusion de termes, et si l’auteur des Recherches a fait du commerce en gros un mode spécial d’emploi des capitaux, c’est qu’il visait l’industrie des transports : tout le chapitre en est la preuve.

Quoi qu’il en soit, en dehors des réserves que nous venons de faire, cette étude sur les différents emplois des fonds est, à beaucoup d’égards, fort exacte. Malgré ses préférences bien visibles pour l’agriculture, Adam Smith s’y montre assez juste pour les autres industries et il déclare en termes exprès que « chacune de ces méthodes d’employer un capital est essentiellement nécessaire, tant à l’existence et à l’extension des trois autres genres d’emploi qu’à la commodité générale de la société[1] ». Sans l’agriculture, en effet, qui fournit la matière première, les manufactures et le commerce ne pourraient pas exister. Sans les manufactures, qui se chargent de transformer la portion du produit brut qui exige un certain degré de préparation, cette portion du produit brut ne serait jamais produite, faute de demande, ou si elle était produite spontanément, elle n’aurait aucune valeur échangeable et n’ajouterait rien à la richesse de la société. Sans le commerce en gros (industrie des transports), qui se charge de diriger la matière première et le produit manufacturé des endroits où ils abondent à ceux où ils manquent, l’agriculture et l’industrie ne produiraient plus que ce qui serait nécessaire à la consommation locale, tandis que l’intervention du marchand qui échange le superflu d’un pays contre le superflu d’un autre, encourage l’industrie des deux contrées et multiplie les jouissances. Enfin le commerce de détail, en divisant les marchandises en parcelles assez petites pour s’accommoder à la demande des consommateurs, les met ainsi à la portée de toutes les bourses, il en accroît la consommation et il provoque par là même le développement de la production agricole et manufacturière.


D’ailleurs, Smith n’avait garde d’omettre de constater ici comme il l’a fait en toute occasion, cette tendance à l’harmonie

  1. Rich., liv. II, ch. V (t. I, p. 451).