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De plus, il estime que les systèmes d’amodiation de ces grandes propriétés étaient également funestes au développement de l’agriculture. Ce fut d’abord par des serfs attachés à la glèbe, que les seigneurs firent cultiver leurs vastes domaines, mais ces serfs n’avaient aucun avantage à accroître la production et n’étaient stimulés à aucun degré par l’intérêt, personnel ; ils travaillaient donc mal et la culture périclitait. Par la suppression du servage, un progrès fut cependant réalisé : les anciens serfs, restés sur les domaines, furent intéressés à l’augmentation du revenu et partagèrent le produit brut avec leurs maîtres. Ce fut là l’origine du métayage, mais le métayage était encore, selon Smith, un mode bien imparfait de tenure des terres. Par la forme même dans laquelle s’effectue le partage du revenu territorial entre le propriétaire et le métayer, il a un vice inhérent à sa nature, c’est d’empêcher la culture intensive, car le métayer, qui a droit à une portion fixe du produit brut, ne cherche pas à tirer de son champ le plus possible, mais à accroître seulement le rapport entre le produit brut et les frais de production.

M. H. Passy, dans l’article Agriculture du Dictionnaire de l’Économie politique, l’a prouvé depuis lors mathématiquement, et nous ne pouvons mieux faire que de citer cette démonstration qui vient, rendre manifeste l’exactitude des observations du maître : « Le métayage, dit H. Passy, a un vice radical, dès longtemps aperçu par Adam Smith : c’est la forme dans laquelle s’effectue le partage du revenu territorial. En attribuant au propriétaire pour prix de loyer une proportion fixe du produit brut de l’exploitation, il exclut des cultures les végétaux qui réclament les plus grands frais de production ou ne leur y laisse pas une place suffisante, et par là il arrête, les progrès de l’art et de la richesse agricoles… La raison en est simple. Le métayer paie en nature : ce qu’il doit, c’est une certaine proportion du produit brut obtenu, et dès lors il a un intérêt constant à consulter, dans le choix des récoltes, non pas ce qu’elles peuvent laisser par hectare, les dépenses de culture recouvrées, mais le rapport établi entre le montant des frais de production et la valeur totale des récoltes. Pour lui, les meilleures cultures sont celles qui demandent peu d’avances, les plus mauvaises sont celles