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religieuses, il s’est montré parfois choqué de certaines cérémonies au milieu desquelles il avait été élevé, il évita toujours avec le plus grand soin ces polémiques passionnées qui soulevaient tant de tempêtes autour de son ami et qui lui amassaient tant de haines[1]. — Toutefois, malgré ces divergences qui avaient leur source principale dans la différence de l’éducation et du tempérament, ces deux grands esprits étaient faits pour se rapprocher, et Smith était fier d’être l’ami de celui qu’il appelle quelque part (l’historien le plus illustre de son siècle[2] ». Chez tous deux, en effet, la même droiture, le même amour de l’humanité, le même but : c’en était assez pour se comprendre et pour s’apprécier.


Smith avait donc acquis, du premier coup, une place considérable dans la société intelligente d’Édimbourg. De là, sa réputation s’étendit rapidement dans le reste de l’Écosse, et, dès l’année 1751, l’Université de Glasgow lui offrait la chaire de logique et le titre de professeur. Il atteignait ainsi, dès l’âge de 28 ans, l’une des situations les plus enviées des savants de son pays, et sa joie fut profonde lorsqu’il se vit appelé à enseigner dans cette Université qu’il affectionnait et qui avait ouvert son intelligence aux idées philosophiques.

Toutefois, surpris par cette nomination qu’il n’avait pas osé espérer, Smith n’avait pu préparer son cours, et, pour se donner du temps, il se contenta d’abord de reprendre, au moins dans ses grandes lignes, celui qu’il avait professé à Édimbourg

  1. Les sujets religieux étaient d’ailleurs abordés rarement dans les conversations de Hume avec ses amis. « Dans ses causeries dans ses lettres, dit M. Compayré, la philosophie et la religion étaient, d’un accord tacite, des sujets réservés. Les amis religieux de Hume se taisaient avec lui sur ces questions, comme on se tait devant un infortuné sur le malheur qui l’a frappé. Et, de son côté, Hume, qui n’avait pas l’esprit de propagande et qui savait assez de psychologie pour ne pas se faire illusion sur l’efficacité de la discussion, évitait d’engager des controverses qui aigrissent et divisent les cœurs, sans presque jamais rapprocher les esprits. » (La Philosophie de Hume, par M. Gabriel Compayré. Paris, 1873.)
  2. Richesse, t. II, p. 451