Page:Delatour - Adam Smith sa vie, ses travaux, ses doctrines.djvu/193

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la loi, qu’une guinée, par exemple, de tel poids et à tel titre, s’échangerait contre 21 schellings ou bien serait une offre valable pour une dette de cette somme. Dans cet état de choses, et tant que dure le rapport établi de cette manière, la distinction entre le métal signe légal et le métal qui ne l’est pas n’est plus guère qu’une distinction nominale. »

Toutefois le Dr Smith n’est pas très net sur cette question monétaire qui partage d’ailleurs de nos jours les meilleurs économistes, et, après avoir étudié avec tant de soin, dans cet ouvrage même, les variations diverses de la valeur de l’or et de l’argent aux différents siècles, il n’a pas fait sentir assez clairement les inconvénients d’un rapport fixe invariable entre les deux instruments de l’échange. Il a reconnu cependant qu’il serait nécessaire « de faire quelque changement au rapport actuellement établi entre ces deux métaux », mais il n’a appuyé, pour ainsi dire, sur aucun argument doctrinal la nécessité de cette réforme. On est même forcé de remarquer qu’il n’a pas saisi les véritables effets d’une pareille institution, lorsqu’il affirme que, « dans la réalité, tant que dure le rapport légalement établi entre la valeur respective des différents métaux monnayés, la valeur du plus précieux de ces métaux règle la valeur de la totalité de la monnaie. » Cette observation n’est pas exacte. Sous ce régime, en effet, la valeur de l’argent ne se règle pas sur celle de l’or, mais le rapport devient purement fictif : tous les débiteurs payant avec le métal le moins cher, quel qu’il soit, l’autre métal se trouve ainsi chassé de la circulation pour être exporté avec bénéfice, et l’État est, alors conduit à prendre des mesures exceptionnelles pour entraver ce drainage. C’est ce que Smith n’a pas signalé : cependant l’effet ne lui a pas échappé, mais, malgré sa perspicacité habituelle, il n’a pas su le rapporter à sa véritable cause, qui est le rapport invariable établi entre les deux métaux.


Smith avait suivi pourtant d’une façon fort remarquable l’histoire des variations de la valeur de l’argent aux quatre derniers siècles, dans une digression célèbre qui est venue malheureusement se placer au milieu d’une discussion délicate sur la rente de la terre. Il en a donné une étude très intéressante,