Page:Delatour - Adam Smith sa vie, ses travaux, ses doctrines.djvu/223

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Toutefois, avec un grand sens pratique et bien qu’il n’ose espérer la réalisation prochaine de son rêve, le célèbre philosophe tient à prémunir la postérité contre un entraînement irréfléchi vers les réformes. Il veut ménager les transitions, les à-coups ; comme un médecin prudent empêche un aveugle qui recouvre la vue de sortir brusquement au grand jour, de même il recommande de ne rétablir que peu à peu la liberté commerciale, par des gradations lentes et prudentes, avec beaucoup de circonspection et de réserve. Il montre comment la suppression trop brutale des gros droits et des prohibitions depuis longtemps en vigueur, provoquerait soudain une inondation de produits à bas prix qui arrêterait immédiatement tout travail dans certaines manufactures peu préparées à la concurrence. L’industrie d’exportation ne serait pas atteinte, il est vrai, parce qu’elle est habituée à la lutte et qu’elle ne vit que par la lutte même ; mais il n’en serait pas de même de beaucoup d’autres industries. Or, changer d’emploi n’est pas facile, c’est un pis-aller toujours désastreux auquel le producteur ne peut se résoudre qu’à la longue, car c’est enlever toute sa valeur à un capital fixe quelquefois considérable.


Pas de restrictions à l’entrée, Voilà donc la première partie du programme de Smith ; aucun encouragement à la sortie, voilà la seconde. Le système mercantile, fidèle à son principe, ne se bornait pas, en effet, à entraver l’importation des marchandises étrangères ; il cherchait, en outre, à favoriser l’exportation des produits nationaux afin de modifier à l’avantage du pays la balance du commerce. L’exportation fut donc encouragée, tantôt par des restitutions de droits ou par des primes, tantôt par des traités de commerce avec les nations étrangères, tantôt enfin par l’établissement de colonies. Smith combat d’une manière générale tous ces privilèges accordés au commerce d’exportation.

Il estime cependant que, parmi tous ces encouragements, les plus raisonnables sont les restitutions de droit ou drawbacks, car, en remboursant à la sortie les droits que les produits ont payés à l’intérieur, l’État ne détruit pas l’équilibre qui s’est établi naturellement entre les divers emplois du travail et des capi-