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manifeste l’accord essentiel qui existe entre le développement de la richesse et l’augmentation du bien-être de la masse des travailleurs : le salaire, comme toute marchandise, est réglé par le rapport de l’offre et de la demande, par l’état du marché, et la cause qui détermine en réalité cette offre et cette demande n’est autre que le rapport existant entre l’augmentation des capitaux et l’accroissement de la population.

Smith a eu le mérite de mettre cette importante vérité en lumière, et les observations qu’il a développées sur ce point sont fort exactes. Pour lui, la demande de travail ne peut augmenter qu’à proportion de l’accroissement des fonds destinés à payer les salaires, et il est impossible qu’elle augmente sans elle. Si le propriétaire, le commerçant, le capitaliste, voient augmenter leurs revenus, les uns augmenteront leur consommation en conséquence, les autres consacreront leur surplus à la reproduction ; dans tous les cas, cet excédant servira en définitive à entretenir des travailleurs, il provoquera une demande supplémentaire de bras, c’est-à-dire une augmentation des salaires.

La hausse des salaires est donc liée à l’accroissement des capitaux. Mais, pour que les salaires augmentent ainsi, il n’est ni nécessaire, ni suffisant, selon Smith, que la richesse nationale soit considérable, il faut et il suffit qu’elle soit en progrès. C’est ce progrès qui donne lieu à la hausse des salaires en provoquant chaque année une demande de bras plus forte que l’année précédente ; un État riche, dont l’opulence resterait stationnaire, n’offrirait aux travailleurs qu’une maigre subsistance, parce que la demande resterait la même ; enfin, dans un pays où les fonds viendraient à décroître, le salaire baisserait jusqu’à ce que la misère, les privations et la diminution des naissances aient réduit le nombre des bras et, en restreignant l’offre, aient rompu l’équilibre et provoqué une réaction. C’est ainsi qu’il faut entendre la loi de l’offre et de la demande. Lorsqu’on se contente de proclamer que le salaire est soumis à cette loi, on n’énonce qu’une vérité banale qui n’apprend rien. Mais quand, avec l’auteur des Recherches, on remonte aux lois qui régissent le marché lui-même, on découvre que la véritable cause qui détermine la demande est l’accroissement ou la diminution des capitaux, et que cette même cause réagit aussi sur l’offre en provoquant ou