Page:Delatour - Adam Smith sa vie, ses travaux, ses doctrines.djvu/239

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une semaine, très peu un mois, et à peine un seul, une année entière. À la longue, il se peut que le maître ait autant besoin de l’ouvrier que celui-ci a besoin du maître, mais le besoin qu’il en a n’est pas aussi pressant. » Il n’en est plus ainsi de nos jours : les rôles sont intervertis. Pendant que l’usine chôme, les capitaux restent inactifs, les impôts ne cessent pas de courir, le patron perd chaque jour l’intérêt de son capital et le meilleur de sa clientèle ; il est donc plus impatient de terminer la grève que ne l’est maintenant l’ouvrier dont la subsistance est assurée pendant quelque temps par une caisse de résistance : un chômage prolongé est la ruine fatale de tout industriel qui n’est pas propriétaire de la plus grande partie des capitaux qu’il emploie.


Enfin, après avoir étudié la loi qui régit le taux des salaires pris dans leur ensemble, Adam Smith recherche pourquoi, en fait, les salaires sont inégaux suivant les emplois, et il expose les motifs de ces inégalités : c’est là l’objet d’un chapitre qui, quoique secondaire, est l’un des plus intéressants de tout l’ouvrage, car la puissance d’observation que le célèbre philosophe apportait dans ses investigations, s’y manifeste dans toute sa force.

En principe, les divers emplois doivent nécessairement offrir la même somme d’avantages et d’inconvénients, sans quoi tous les bras se porteraient sur les plus favorisés jusqu’à ce que l’équilibre fût rétabli. Mais ce n’est pas à dire que dans chacun d’eux la rétribution pécuniaire soit la même, et la moindre observation montre qu’elle est fort inégale suivant les diverses professions. Cette différence tenait d’abord, du temps de Smith, aux restrictions réglementaires qui gênaient la liberté du travail et la circulation des ouvriers ; mais elle avait aussi d’autres causes plus permanentes, qui subsistent même sous le régime de la liberté, car elles proviennent en grande partie de certaines circonstances inhérentes aux emplois mêmes. Ces circonstances suppléent, soit en réalité, soit aux yeux de l’imagination, à la modicité du gain pécuniaire dans certains cas, ou bien elles en contre-balancent la supériorité dans d’autres.

La première de ces circonstances, selon Smith, est l’agrément ou le désagrément des emplois considérés en eux-mêmes. Les