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de netteté la séparation de ces deux éléments de la rétribution de l’entrepreneur, il n’en a pas moins traité d’une façon fort remarquable la grande question de l’intérêt.

Malheureusement, il n’a pas donné à l’analyse même de l’intérêt toute l’étendue nécessaire, parce qu’il ne le considère, à tort suivant nous, que comme « un revenu secondaire qui, s’il ne prend pas sur le profit que procure l’usage de l’argent, doit être payé par, quelque autre source de revenu[1]. » Aussi ce n’est que dans le deuxième livre que nous trouvons, à propos de l’accumulation des fonds, des données sur sa doctrine.


De plus, dans aucune partie des Recherches, il n’a parlé du loyer qu’il eût été fort intéressant de distinguer de l’intérêt. Cependant, l’un est le revenu du capital fixe, tandis que l’autre est le revenu du capital circulant : dans le premier, le capitaliste recouvre la chose même qu’il a prêtée, dans le second des choses semblables, et, par suite, tandis que le loyer comprend une prime d’amortissement qui n’existe pas dans l’intérêt, d’autre part, l’intérêt comprend, de plus que le loyer, une prime d’assurance plus ou moins forte pour le risque de perte. Il eût donc été utile de rapprocher formellement ces deux modes de la rémunération du capital, car, bien que l’écart entre leurs taux moyens soit peu considérable, ils présentent en réalité des dissemblances très sensibles qui ont servi souvent de prétexte aux adversaires de l’intérêt pour en critiquer l’assimilation. Il était nécessaire de montrer que ces deux revenus ont en définitive la même source, le prêt d’un capital, et que si la rétribution du capital fixe est juste, la rétribution du capital circulant ne peut être condamnée. Dans les deux cas, en effet, il y a loyer d’un capital qu’on applique à la production, et, entre l’emprunteur d’un instrument, par exemple, et l’emprunteur d’une somme d’argent, il n’y a aucune différence fondamentale, sinon que le premier emprunte en nature l’instrument nécessaire à son travail, tandis que le second emprunte de quoi l’acheter.

Mais si Smith a négligé de pousser aussi loin l’analyse, il n’en a pas moins défini l’intérêt d’une manière fort nette et indiqué, dans cette définition même, son caractère, sa raison d’être et sa

  1. Rich., liv. I, ch. VI (t. I, p. 71).