Page:Delatour - Adam Smith sa vie, ses travaux, ses doctrines.djvu/248

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légitimité. « on peut regarder, dit-il[1], un capital prêté à intérêt, comme une délégation, faite par le prêteur à l’emprunteur, d’une portion quelconque du produit annuel, sous la condition qu’en retour l’emprunteur lui délèguera annuellement, pendant tout le temps de la durée du prêt, une portion plus petite, appelée l’intérêt, et, à l’échéance du prêt, une portion pareille à celle qui a été originairement déléguée, ce qui s’appelle le remboursement. Quoique l’argent, soit papier, soit espèces, serve en général d’instrument de délégation, tant pour la petite portion que pour la grande, il n’en est pas moins tout à fait distinct de la chose qu’on délègue par son moyen. » Cette définition est l’expression de la plus saine doctrine. On ne peut que regretter que Smith n’ait pas donné à cette partie de ses Recherches toute l’étendue qu’elle comportait, et montré, par exemple, comment l’intérêt est la rémunération du travail d’épargne, de même que le salaire et les profits constituent la rémunération du travail musculaire, rapprochement qui, mis en lumière par un économiste moderne, M. Courcelle-Seneuil, complète encore, s’il est possible, la justification de l’intérêt.

Il a insisté davantage sur la loi qui régit le taux de l’intérêt et sur les causes de la baisse de ce taux avec les progrès de la civilisation. Sans s’en tenir à cette vérité banale que l’argent est soumis, comme toute marchandise, à la loi de l’offre et de la demande, il a tenu à rechercher dans l’histoire des sociétés quelles sont les causes mêmes qui déterminent cette offre et cette demande, et il a reconnu que le taux de l’intérêt dépend, non de la quantité des capitaux existant actuellement dans le pays, comme on l’avait affirmé, mais de la quantité des capitaux nouvellement produits qui viennent s’offrir pour la première fois sur le marché. Cette observation est fort remarquable et parfaitement juste. « Ce qui détermine la quantité de fonds, dit-il[2], ou, comme on dit communément, d’argent qui peut être prêtée à intérêt dans un pays, ce n’est pas la valeur de l’argent, papier ou espèces, qui sert d’instrument aux différents prêts qui se font dans le pays, mais c’est la valeur de cette portion du pro-

  1. Rich., liv. II, ch. IV (t. I, p. 412).
  2. Rich., liv. II, ch. IV (t. I, p. 440).