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Mill[1], la rente égalise simplement les profits des capitaux des divers fermiers, en permettant au propriétaire de s’approprier toute la différence du profit qui peut résulter de la supériorité des avantages naturels. Si tous les propriétaires, sans exception, renonçaient à la rente, les fermiers seuls en profiteraient, le consommateur n’en retirerait aucun avantage, car il faudrait toujours que les blés restassent au même prix afin que l’on pût produire toute la quantité demandée pour les besoins de la société, et il serait impossible que le blé des terres les moins favorisées se vendit à ce prix sans que la totalité du blé produit s’y vendît aussi. Donc la rente, tant qu’elle n’est pas surélevée artificiellement par des lois restrictives, ne pèse point sur le consommateur, elle n’élève point le prix du blé et ne cause au public aucun dommage. »


Il est bon de remarquer que, longtemps avant Stuart Mill, Adam Smith avait déjà formulé cette importante observation, et bien qu’il n’en ait pas tiré le même parti que l’économiste moderne, il avait cependant insisté longuement sur cette idée très juste qui aurait dû le faire revenir sur ses préventions à l’égard de la légitimité de la rente. Il a constaté en effet fort exactement qu’il ne peut y avoir de rente que lorsque le prix des marchandises est plus que suffisant pour couvrir les salaires, les profits et l’intérêt des capitaux nécessaires à l’exploitation. Or, si ce n’est que d’après le prix des denrées que l’on peut savoir s’il reste ou non une rente pour le propriétaire, la rente dépend en réalité de la demande et, par suite, ceux des produits de la terre dont la demande est toujours abondante fourniront constamment une rente, tandis que d’autres, soumis à plus de fluctuations dans leurs prix, n’en rapporteront pas toujours une. « La rente, dit-il en termes formels[2], entre dans la composition du prix des marchandises d’une tout autre manière que les salaires et les profits. Le taux élevé ou bas des salaires et des profits est la cause du prix élevé ou bas des marchandises ; le taux élevé ou bas de la rente est l’effet du prix. Le prix d’une marchandise par-

  1. Principes d’écon. pol., lit. III, ch. V.
  2. Rich., liv. I, ch. XI (t. I, p. 189).