Page:Delatour - Adam Smith sa vie, ses travaux, ses doctrines.djvu/264

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expresse, une substitution ou un acte d’amortissement. Néanmoins, un principe très puissant en garantit l’emploi : c’est l’intérêt direct et évident de chaque individu auquel pourra appartenir dans la suite quelque partie de ce fonds. Aucune partie n’en pourra plus, à l’avenir, être détournée pour un autre emploi que l’entretien des salariés productifs, sans qu’il en résulte une perte évidente pour la personne qui en changerait ainsi la véritable destination. »

Il condamne le prodigue au nom des mêmes considérations. « En ne bornant pas sa dépense à son revenu, dit-il, le prodigue entame son capital, comme un homme qui dissipe à quelque usage profane les revenus d’une fondation pieuse ; il paie des salaires à la fainéantise avec ces fonds que la frugalité de nos pères avait, pour ainsi dire, consacrés à l’entretien de l’industrie. En diminuant la masse des fonds destinés à employer le travail productif, il diminue nécessairement, autant qu’il est en lui, la somme de ce travail qui ajoute une valeur au sujet auquel il est appliqué, et par conséquent la valeur du produit annuel de la terre et du travail du pays, la richesse et le revenu réel de ses habitants. » Toutefois le philosophe constate qu’heureusement la prodigalité n’est guère qu’une exception, et l’expérience du psychologue vient rassurer l’économiste. « La profusion, dit-il, le principe qui nous porte à dépenser, c’est la passion pour les jouissances actuelles, passion qui est, à la vérité, quelquefois très forte et très difficile à réprimer, mais qui est en général passagère et accidentelle. Mais le principe qui nous porte à épargner, c’est le désir d’améliorer notre sort, désir, qui est, en général, à la vérité, calme et sans passion, mais qui naît avec nous et ne nous quitte qu’au tombeau. Dans tout l’intervalle qui sépare ces deux termes de la vie, il n’y a peut-être pas un seul instant où un homme se trouve assez pleinement satisfait de son sort, pour n’y désirer aucun changement ni amélioration quelconque. Or, une augmentation de fortune est le vrai moyen par lequel la majeure partie des hommes se propose d’améliorer leur sort ; c’est le moyen le plus commun qui leur vient le premier à la pensée ; et la voie la plus simple et la plus sûre d’augmenter sa fortune, c’est d’épargner et d’accumuler, ou régulièrement chaque année, ou dans quelques occa-