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de certaines autres, dans l’intérêt de diverses branches particulières de commerce. Ainsi le commerce de nos concitoyens à l’étranger a besoin d’une protection spéciale pour assurer sa sécurité, surtout dans les pays lointains. Or, selon l’auteur des Recherches, cette protection des nationaux incombe à l’État et il doit la leur procurer, soit en entretenant des ambassadeurs ou des consuls chez les peuples civilisés, soit en établissant une force armée et des points fortifiés chez les peuples sauvages. Cette fonction de l’État est, pour ainsi dire, le corollaire de son premier devoir qui est de défendre les citoyens contre les attaques des autres nations, et il ne doit recourir ici, pas plus que pour la défense commune, à des intermédiaires pour assurer cette protection[1].

Toutefois, il est arrivé en fait que, chez la plupart des peuples de l’Europe, des compagnies particulières ont obtenu de l’État la délégation de sa mission protectrice, moyennant certains avantages qui constituaient généralement en monopole à leur profit tout le commerce du pays ; c’est là l’origine des Compagnies de commerce, Compagnies privilégiées ou Compagnies par actions suivant les cas et les pays, et Smith examine longuement leur caractère, le tort qu’elles ont fait au commerce qu’elles étaient chargées de protéger, et les causes de leur décadence. Il montre que si ces Compagnies, en faisant à leurs propres dépens une expérience que l’État n’avait pas jugé prudent de faire lui-même, ont pu servir en réalité à introduire quelques nouvelles branches de commerce, elles sont devenues partout, à la longue, ou nuisibles ou inutiles au commerce en général ; elles lui ont donné une fausse direction et ont fini par le restreindre, car leur but

  1. « La protection du commerce en général a toujours été regardée comme essentiellement liée à la défense de la chose publique, et, sous ce rapport, comme une partie nécessaire des devoirs du pouvoir exécutif : par suite, la perception et l’emploi des droits généraux de douane ont toujours été laissés à ce pouvoir. Or, la protection d’une branche particulière du commerce est une partie de la protection générale du commerce, et, par conséquent, une partie des fonctions de ce même pouvoir ; et si les nations agissaient toujours d’une manière conséquente, les droits particuliers perçus pour pourvoir à une protection particulière de ce genre auraient toujours été laissés pareillement à sa disposition. » (Rich., liv. V, ch. I, t. II, p. 36)