Page:Delatour - Adam Smith sa vie, ses travaux, ses doctrines.djvu/301

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inconséquence vraiment inexplicable ; mais il est heureusement d’autres points de vue auxquels elle présente néanmoins un réel intérêt, et il en est ainsi notamment des observations relatives à l’incidence de l’impôt.

C’est d’ailleurs d’après leur incidence apparente qu’Adam Smith distingue les taxes, et suivant que le législateur a voulu les faire porter sur la rente, les profits ou les salaires. Ce sont là, dit-il, les trois sources du revenu des particuliers ; tout impôt doit donc, en définitive, se payer par l’une ou l’autre de ces trois différentes sortes de revenus ou par toutes indistinctement. Écartant ainsi implicitement, dès le début, l’impôt sur le capital, il examine, en premier lieu, l’impôt sur la rente des terres. Pour lui, cet impôt est juste en ce qu’il retombe directement sur la rente qu’il a en vue de frapper, mais il ne doit pas cependant pourvoir à toutes les charges de l’État. À cet égard, Smith rejette absolument l’impôt foncier unique prôné par les physiocrates et il s’attache à faire ressortir la fausseté du principe qui sert de base à ce système, à savoir que tout impôt retombe, en dernière analyse, sur le revenu de la terre. — En étudiant ensuite la forme que doit revêtir l’impôt sur la rente, il combat vivement la dîme, qui frappe le produit brut. Sous l’apparence d’une égalité parfaite, ce mode de prélèvement est essentiellement inégal en ce qu’il prend autant aux mauvaises terres qu’aux bonnes ; de plus, en ne tenant aucun compte de la différence des frais de production, il décourage à la fois les améliorations du propriétaire et les progrès de l’industrie agricole. Aussi la culture intensive, qui a pris de nos jours un si grand développement, n’a été possible qu’après l’abolition de ce procédé de taxation parce que, tout en augmentant le rendement net des terres, cette culture abaisse en même temps la proportion du produit net au produit brut. « Si la dîme, dit en effet Adam Smith[1] est le plus souvent un impôt très inégal sur les revenus, elle est aussi toujours un très grand sujet de découragement, tant pour les améliorations du propriétaire que pour la culture du fermier. L’un ne se hasardera pas à faire les améliorations les plus importantes, qui en général sont les plus dispen-

  1. Rich., liv. V, ch. II (t. II, p. 516).